FACE A L’INCERTITUDE, FAUT-IL RETROUVER DE L’AUDACE ?
23 septembre 2024Hyper-empathique et heureux, c’est possible ? Les personnes sont-elles plus sensibles qu’avant ?
L’hyper-empathie
Hypersensibles ou ultrasensibles, intuitives, vulnérables à la surcharge des stimuli ressenti, les personnes hypersensibles peuvent être aussi hyper-empathique. Elles vivent les évènements du quotidien avec une grande intensité mais est-ce suffisant pour se dire hyper-empathique ? Comment s’y retrouver et comment savoir si l’on est soi-même hyper-empathique ?
C’est une question que l’on peut se poser à la vue des nombreux livres et des récentes recherches sur le sujet. A moins qu’il ne soit devenu, lui aussi un mot « Fourre-tout », à la mode comme cela se produit pour un ensemble de mot au cours de leur existence. Non, nous ne sommes pas tous égaux face aux émotions ou aux stimuli. De là à se dire tous hypersensibles, je ne pense pas. Cependant la pollution environnementale doit jouer un rôle sur notre métabolisme.
Le cerveau est un muscle qui se développe et s’adapte à travers l’espace et le temps. Nous n’éduquons plus nos enfants de la même façon que nos parents ou que nos arrière-grands-parents. Le cerveau se modifie et se développe aussi en fonction des expériences et des apprentissages que fait la personne au quotidien et à travers son environnement. De nombreuses personnes se sentent différentes des autres sans en comprendre pourquoi. Avec l’avancé des neurosciences, on sait qu’il est possible de ressentir plus intensément les émotions des autres mais aussi l’ambiance environnemental. Il est possible aussi de prendre pour vous tous ces ressentis car nous ne sommes pas tous égaux sur ce point et il est souvent très difficile de détecter ce qui vient de nous de ce qui vient de l’extérieur. On sait aujourd’hui que ces personnes ont plus ou moins d’empathie et que leurs circuits cérébraux fonctionnent différemment dans certaines régions du cerveau (Aron et coll. 2014).
L’hypersensibilité se définit principalement en psychologie comme « une sensibilité plus haute que la moyenne, c’est-à-dire une réactivité extrême aux stimuli, qu’ils soient internes (pensée, croyance, émotion) et/ou externes » (Assenheim, 2020). On dit aussi que la personne ultrasensible peut être plus ou moins empathique. Et « L’hypersensibilité concernerait trois grandes dimensions : les émotions, la sensorialité et la cognition » (Aron indique 2017)
Qu’est-ce que l’hyper-empathie ?
L’hyper-empathie est une branche des personnes ultrasensible.
« Les personnes hyper-empathiques sont comme des éponges qui absorbent les joies et les peines de ceux qui les entourent. (…)les hyper-empathiques, ressentent tout, parfois de manière exacerbée, sans toujours parvenir à garder une distance saine entre les autres et eux. Dès lors, il arrive très souvent de se sentir submergés, et cette surstimulation s’accompagne généralement d’une surcharge sensorielle facteur d’épuisement.» Judith Orloff dans le guide de survie des hypersensibles empathiques, Leduc. S Editions, Paris, 2018, pp. 11,12.
Chez une personne hyper-empathique tout est vécu de manière démultipliée. La limite entre ce qu’elles ressent et ce que ressent l’autre disparaît.
Hyperempathie, Empathie, Contagion émotionnelle, comment faire la différence ?
L’empathie est un processus complexe multidimensionnel qui implique le partage à la fois émotionnelle, cognitif et motivationnelle (intention pour le bien-être de l’autre) et mnésiques. L’empathie consiste à se mettre à la place de l’autre d’un point de vue cognitif et spatial, tout en gardant sa place. Par ailleurs, nous ne sommes pas les mieux placés pour estimer nos capacités à identifier correctement les émotions d’autrui et parfois même, nous leurrons complètement. En revanche, nos proches sont plus à même d’estimer nos réelles compétences en la matière.
La contagion émotionnelle : c’est ressentir en soi ce que l’autre ressent. Vous pouvez donc être empathique avec ou sans contagion émotionnelle.
« Les personnes hyper-empathiques ont un système nerveux particulièrement réactif. Elles ne bénéficient pas des filtres qui permettent aux autres d’éviter les surcharges sensorielles. Elles sont donc influencées par les bonnes énergies autant que par les mauvaises comme le stress, les angoisses qui les entourent. Elles réagissent énormément à tout ce qui se passe autour d’elles » d’après la psychiatre américaine Judith Orloff. On dit souvent que les personnes hyper-empathiques sont « trop sensibles » et on leur recommande de « se faire une carapace ». Il leur arrive de souffrir d’épuisement chronique et de vouloir se tenir à l’écart, principalement parce qu’elles se sentent accablées par une trop grande charge émotionnelle.
Les personnes empathiques comprennent les situations vécues par les autres alors que les personnes hyper-empathiques vivent réellement les situations d’autrui et ressentent leurs émotions sans pouvoir s’en détacher. Ces deux notions peuvent se distinguer à travers les réactions. L’hypersensible va avoir tendance à pleurer alors que l’hyper-empathique va plutôt exploser de colère. À titre d’exemple, la personne hyper-empathique peut faire de la douleur des autres une affaire personnelle et se battre pour défendre des causes ou dénoncer un fait.
L’hyper-empathe ressent votre émotion, mais il la ressent si fortement qu’elle peut rester en lui [trop longtemps] ou l’amener à perdre de vue ses propres émotions et le rendre incapable de fixer des limites entre les deux.
On constate, chez les personnes hyper-empathiques une élévation du réseau des neurones miroirs qui fonctionnent en continu. Découverts en 1990 par un groupe de neuroscientifiques italiens, dirigé par Giacomo Rizzolatti, ces neurones sont impliqués dans l’imitation, la compréhension des intentions d’autrui, les émotions et le développement de l’empathie.
Une étude menée en 2018 par des chercheurs de l’Université de Cambridge, de l’Institut Pasteur, de l’Université Paris Diderot, du CNRS et de la société de génétique 23andMe, et publiée dans la revue Translationnal Psychiatry, révèle que l’empathie ne résulte pas seulement de l’éducation et des expériences vécues car l’empathie est aussi d’origine génétique. Donc, si votre enfant est hypersensible, il y a de forte chance pour que l’un des parents ou les deux le soient avec plus ou moins d’intensité.
Jusqu’à présent, l’hyper-empathie reste largement méconnue dans le domaine scientifique.
Il existe différentes formes d’hyper-empathie :
Les personnes hyper-empathiques ressentent souvent un besoin de solitude, pour s’éloigner de ce trop plein d’émotions créé par la présence d’autres personnes. Elles aspirent souvent au calme et peuvent présenter des sensibilités fortes aux sons, aux odeurs, à la lumière…
Judith Orloff, psychiatre américaine, a beaucoup travaillé sur l’hyper-empathie et a publié de nombreux ouvrages sur le sujet. Elle en distingue trois types :
Comment savoir si je suis hyper-empathique concrètement ?
Signe n°1 : La faculté à ressentir avant la réflexion et la pensée donc à l’inverse des autres personnes. C’est inné chez vous donc il très difficile d’en prendre conscience. C’est hyper rapide.
Signe n°2 : La faculté à ressentir l’énergie, les émotions et parfois les symptômes physiques d’autrui.
Signe n°3 : La capacité à capter tous les messages du langage non verbal et hors verbal très rapidement ainsi qu’à ressentir « l’énergie subtile ». Il est facile pour vous de capter les non-dits et les silences mais aussi de les interpréter
Signe n°4 : L’intuition est innée et très forte. Votre intuition est surdéveloppée. Vous pouvez la détecter par certains signes comme :
- Faire des connexions instantanément avec une personne que vous ne connaissez pas.
- Détecter les mauvaises situations avant qu’elles ne se produisent.
- Sentir le mensonge d’une personne
Signe n°5 : La faculté à ressentir l’ambiance générale avec une acuité accrue. Par exemple, au travail, pendant une réunion, dès la première minute passée dans la pièce, vous arrivez à capter si l’atmosphère est lourde ou légèreapter si l’atmosphère est lourde ou légère.
Existe-t-il des tests ?
L’hyper-empathie est théorisée par la psychiatre Judith Orloff. Elle propose plusieurs quizz afin de savoir si vous souffrez d’hyper-empathie. Le professeur David Goleman a aussi élaboré un test accessible en ligne. Néanmoins, si vous vous sentez débordé par vos émotions, vous devriez consulter un thérapeute ou psychothérapeute spécialisée, c’est physiologique (afin d’obtenir une réponse fiable). Mais aussi afin de vous rassurer, vous n’êtes pas seule dans ce cas. Vous avez juste un mode de fonctionnement un peu différent.
Comment gérer l’hyper-empathie ?
Si vous identifiez chez vous ces signes ou effets de l’hyper-empathie, il est important d’apprendre à séparer vos propres émotions de ceux des autres. Pour ce faire, on recommande de travailler avec un professionnel. Les émotions s’éduquent comme on le fait en sport avec notre cerveau.
Une partie de ce travail consiste à apprendre à respecter les limites des autres et à établir vos propres limites en fonction de vos valeurs. Il est essentiel de comprendre que ce n’est pas parce que vous pouvez ressentir profondément les émotions d’une autre personne qu’il est toujours sain ou utile pour vous de le faire, que ce soit pour vous ou pour cette personne (ou pour les deux). L’hyper-empathie, souvent considérée comme une sensibilité émotionnelle intense, n’est pas une condition médicale à proprement parler, et par conséquent, elle ne peut pas être « soignée » de la manière dont on traiterait une maladie. Cependant, il est possible d’apprendre à gérer et à canaliser cette sensibilité pour en faire une force plutôt qu’un fardeau.
Dans un article de Psychology Today, Marcia Reynolds explique comment mieux gérer ses réactions émotionnelles. Des conseils utiles pour les hyper-empathiques, mais pas que :
–Première étape : se relaxer. Plus facile à dire qu’à faire, bien sûr, mais des exercices de respiration vous aideront à relâcher les tensions dans votre corps. Littéralement : concentrez-vous sur la zone juste en-dessous du nombril, pour vous aider à mieux respirer mais vous pouvez aussi aller marcher dans la nature ou pratiquer un sport.
–Deuxième étape : alléger son esprit et chasser les pensées intrusives. Il faut stopper rapidement le pensée négative. Ce n’est qu’une interprétation de votre cerveau ou d’une personne. C’est loin d’être une réalité.
-Troisième étape : se recentrer sur soi, ici et maintenant, un jour à la fois.
–Quatrième étape : se concentrer. Choisissez une ou deux émotions que vous souhaitez ressentir et concentrez-vous dessus. C’est peut-être le plus difficile. Mais cela s’apprends.
L’hypermepathie expliquée en vidéo
Dans ce “Talk at Google”, Judith Orloff nous explique comment les hyper-empathiques peuvent mieux s’armer. Elle décrit avec précision leur perception du monde, les troubles qu’ils connaissent, mais elle donne aussi des clés pour améliorer leur condition. Une vidéo très intéressante (en anglais, sous-titres français disponibles).
Quand faut-il consulter ?
Lorsque vous sentez que vous portez une charge émotionnelle trop forte. Un travail thérapeutique peut s’avérer bénéfique afin de ne plus subir l’hyper-empathie. Vous pouvez aussi développez vos compétences émotionnelles, indispensable pour ne pas vous laisser envahir par vos émotions et celles d’autrui mais aussi pour mieux vous comprendre.
Conclusion
Alors que l’empathie est la qualité précieuse qui favorise la connexion humaine, l’hyper-empathie peut être à double tranchant, apportant à la fois des avantages et des défis profonds dans la vie de ceux qui la vivent. Il est essentiel de comprendre que l’hyper-empathie n’est pas une maladie, mais une variation naturelle de la sensibilité émotionnelle. Cependant, pour ceux qui la ressentent intensément, il est crucial de trouver un équilibre pour préserver leur bien-être émotionnel.
En utilisant leur don pour renforcer les relations, encourager l’écoute et favoriser la compréhension mutuelle, les hyper-empathes peuvent non seulement s’épanouir eux-mêmes, mais également apporter une contribution précieuse à la société.
La clé réside dans la conscience de soi, l’acceptation de sa propre sensibilité et la capacité à utiliser ce don avec sagesse. La bonne nouvelle est que les personnes hyper-empathiques sont de véritables catalyseurs du changement du fait de leur sensibilité. Si vous connaissez votre fonctionnement, vos émotions deviennent une force avec la capacité d’agir rapidement, un levier facile à actionner. Les hyper-empathes ont du bon sens et une rapidité à comprendre le monde qui les entourent mais elles peuvent devenir très vite « les victimes » de leur capacité si elles n’apprennent pas à se protéger un peu plus elles même plutôt que de s’épuiser à essayer de protéger le monde entier.
Laurence BOURGOIS – Arthele.com
Sources
Berthoz A, Jorland G, dire, L’empathie. Paris, Odile Jacob, 2004,
Goleman, Daniel, L’intelligence émotionnelle, Paris, Editions J’ai lu, 2014
Elaine, N. Aron, Ces gens qui ont peur d’avoir peur. Mieux comprendre l’hypersensibilité, Les Éditions de l’Homme, 2013.
Landry, Anne, L’Hyper-empathie. Révéler ce don extraordinaire et le développer, Paris, Guy Trédaniel éditeur, 2021.
Orloff Judith, Le Guide de survie des hypersensibles empathiques, Leduc.s, 2018.
Renzulli Joseph, « Qu’est-ce que le haut potentiel et comment peut-on le développer chez l’enfant et l’adolescent ? », Bulletin de psychologie n° 485, 2006/5, p. 463-468.
Sébastien Bohler, “Dans l’empathie, il faut rester soi-même”, Cerveau & Psycho, 2018
Olivier Godefroy, “Vers une approche neuropsychologique de l’empathie”, Cairn, 2010
REVUES internet
-Christophe, André : enseigner la gestion des émotions ou savoir gérer ses émotions
-Magazine Sciences Psy n° 1 de novembre 2014 « Comment fonctionnent nos émotions ? »- Article de Bustany, Pierre, professeur de médecine au CHU de Caen, normalien, neurophysiologiste, neuropharmacologue, spécialiste de psychophysiologie.
-Entretien avec Samuel Mergui, psychologue clinicien
: »The highly sensitive brain : an fMRI study of sensory processing sensitivity and response to others’ emotions », Acevedo BP, Aron EN, Aron A, Sangster MD, Collins N, Brown LL., Brain Behav. 2014 Jul ; 4 (4) : 580-94. doi : 10.1002/brb3.242. Epub 2014 Jun 23. PMID : 25161824 ; PMCID : PMC4086365.
-« Le trouble de déficit de l’attention », Passeportsante.net (article consulté le 6 mars 2018) Douance.be (site consulté le 6 mars 2018)